A chaque fois c'est pareil, je prépare tout pour notre départ en vacances, valises des enfants et les nôtres, rangement de la maison, plein d'essence, pique nique pour la route et au lieu de me remercier, il a le chic pour dire la phrase qui va me faire péter les plombs "je ne t'ai rien demandé". A croire qu'il le fait exprès...
Des anedoctes comme celles-ci, j'en entends tous les jours dans mon cabinet de thérapeute de couple.
Il y a aussi celui qui s'emballe quand sa partenaire lui fait remarquer qu'elle n'aime pas la coriandre alors qu'il a cuisiné pendant des heures pour lui préparer un bon petit plat...
Celle qui fait une crise de nerfs car son mari, voulant lui faire plaisir, a acheté une nouvelle table basse sans la consulter...
Celle qui part en claquant la porte car il a invité des amis à dîner le soir de leur anniversaire de mariage...
Les conjoints qui assistent au pétage de plomb sont souvent perdus. Ils ou elles pensaient bien faire, ne voient pas le mal dans ce qu'ils ont dit ou fait et constatent pourtant le tsunami qu'ils ont déclenché chez l'autre.
Souvent, ils enfoncent le clou en disant que l'autre est susceptible, que si on leur avait fait la même remarque ou la même chose, ils n'auraient même pas réagi.
La première chose que je dis aux couples que j'accompagne, c'est que si une simple phrase ou action déclenche chez eux un tsunami d'émotions, c'est que, très probablement, une blessure d'enfance a été touchée.
Nous en avons tous (même si nous pensons avoir eu une enfance idyllique) et surtout nous n'avons pas les mêmes. Ce qui fait réagir l'un ne fait pas réagir l'autre. D'où l'incompréhension du partenaire.
Votre partenaire, sans le vouloir, car il est généralement bien intentionné envers vous, a appuyé sur une touche de piano et c'est toute votre caisse de résonance reliée au passé qui s'agite. Et cela peut être très douloureux et très violent.
Etre en couple active notre système d'attachement. Il s'y reproduit beaucoup de choses en écho direct avec nos premières relations d'attachement (très souvent avec notre mère ou notre père). Ce sont ces premières relations d'attachement qui nous ont construit psychiquement. Cette part du passé, notre état du moi enfant, s'active lors des moments de stress dans le couple.
En général, dans les premiers temps du couple, ces moments de stress sont peu ou pas présents, grâce à la chimie naturelle des hormones. Dès les premières tensions, dès que nous découvrons l'autre tel qu'il est réellement et non tel que nous l'imaginons, notre système d'attachement s'active.
Notre partenaire vient appuyer sur nos croyances, notre façon qui nous est propre de décrypter le monde à ce moment là "je ne peux pas être à la hauteur", "je ne compte pas", "quoique je fasse cela ne convient pas", "je ne peux compter que sur moi même" etc. et nos mécanismes de défense s'activent automatiquement. Mony Elkaïm parle de carte du monde, cette façon très particulière que nous avons chacun de lire le monde (et nous sommes intimement persuadés qu'il s'agit d'une vérité absolue !).
La thérapie de couple peut aider à comprendre ces phases de "pétage de plomb" et à en sortir. Comment procédons- nous ?
Nous repérons ensemble les moments de tension qui déclenchent des émotions extrêmement fortes, par exemple le départ en vacances cité ci-dessus et l'ensemble des tâches effectuées par cette femme (qui a par ailleurs beaucoup de plaisir à les effectuer)
Nous identifions ensemble la croyance qu'il y a derrière qui vient de notre enfant intérieur, par exemple "je ne peux pas être reconnu(e)".
Cette étape permet déjà de faire baisser la pression quand les membres du couple comprennent puis expérimentent que leur partenaire ne fait pas tout pour les faire disjoncter mais appuie simplement sur un bouton qui va déclencher en eux une alerte rouge. Avec la phrase "je ne t'ai rien demandé", le partenaire active directement la croyance "je ne peux pas être reconnu(e)".
Parfois ces croyances se répondent, elles sont croisées, ce qui explique ces boucles de conflits de plus en plus dures et fréquentes, chacun venant appuyer sur la croyance de l'autre au même moment.
Le travail consiste ensuite à essayer d'adoucir la croyance de l'autre au lieu de la renforcer. Cela passera par des micro tâches que nous identifions ensemble et peu à peu l'autre expérimentera que sa croyance est une croyance et sera ainsi moins réactif.
C'est en cela que l'on dit que le couple peut avoir une vertu thérapeutique.
Je ne fais pas ce travail thérapeutique avec tous les couples car il demande une mise à nu que tous les couples n'ont pas envie ou ne se sentent pas prêts à faire.
Une croyance est une vulnérabilité et ce n'est pas toujours agréable d'aller creuser ses propres vulnérabilités et de les exposer aux yeux de son partenaire.
Cependant on aime rarement quelqu'un pour ses forces (on l'admire pour ses forces), on l'aime souvent pour ses vulnérabilités, ce sont ces zones d'ombre qui, avec les zones de lumière, constituent le relief de chaque personne.
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